L’affaire pourrait bien être surnommée le “Watergate à l’iranienne”. Samedi 13 juillet et à deux semaines de la passation de pouvoir à la présidence entre Mahmoud Ahmadinejad et Hassan Rohani, Ali Motahari, député très critique de l’actuel chef de l’Etat, a révélé sur son blog avoir découvert microphones et caméra, dissimulés dans le système de climatisation de son bureau. M. Motahari, qui a soutenu la candidature du président fraîchement élu, le modéré Hassan Rohani, a également relaté que les caméras de surveillance de son immeuble avaient enregistré l’intrusion de neuf hommes dans son bureau, dans la nuit du 9 au 10 juillet. Le visage de deux d’entre eux a été enregistré par la caméra qu’ils avaient eux-mêmes installée.
A la suite de cette découverte, M. Motahari a sollicité le gardien de l’immeuble qui a fait part des pressions dont il avait été victime la veille. Des “agents” lui auraient demandé de garder le silence. Par ailleurs, l’homme a précisé que, déjà en mars de cette année, d’autres individus s’étaient introduits dans le bureau de M. Motahari.
Dans la soirée du mercredi 10 juillet, trois autres personnes, se présentant comme des policiers, ont abordé un commerçant, voisin de l’immeuble du député. Ces soi-disant policiers ont tenté de confisquer l’enregistrement de la caméra de surveillance de ce commerçant qui aurait capturé l’arrivée des neufs agents, la veille.
Ali Motahari, averti par le commerçant, a d’emblée appelé la police de la ville de Téhéran qui lui a confirmé que ces hommes ne faisaient pas partie de ses effectifs. Deux des trois hommes ont été arrêtés, puis transférés au service du renseignement de la police. Depuis cet incident, aucune autre information n’a été relayée sur leur identité.
Ali Motahari a pointé du doigt, sur son blog, “des soldats de l’imam caché” – terme utilisé en Iran pour désigner les employés du ministère du renseignement – qui “ont recours à toutes les méthodes possibles”. Il a qualifié ces hommes de “soldats du diable”.
Dimanche 14 juillet, au lendemain de ces révélations, tous les journaux réformateurs ont consacré leur “une” à cette information. Le quotidien Bahara écrit : “Révélations sur l’affaire d’écoute et de caméra cachée dans le bureau d’Ali Motahari”. Shargh, un autre titre réformateur, a également traité cette information sur sa “une”.
Tandis que les autorités n’ont toujours pas réagi aux propos de M. Motahari, le quotidien du centre, Jomhouri Eslami, accuse, mardi 16 juillet, les services de sécurité d’inertie. “Que les responsables de cet acte illégal, découvert il y a déjà quelques jours, ne soient pas encore arrêtés et annoncés [aux Iraniens] (…) est une honte”, peut-on y lire.
“Selon le rapport avancé par M. Motahari, le visage de ceux qui ont installé ces outils d’espionnage est tout à fait reconnaissable sur les images capturées par la caméra. Ce film a été mis à disposition des services du renseignement et cela doit être facile pour eux de trouver les acteurs de cet acte honteux”, conclut Jomhouri Eslami.
Certains députés ont demandé au ministère du renseignement de Mahmoud Ahmadinejad de répondre à ces questions. Selon le député conservateur Ahmad Tavakoli, un comité spécial a été formé au sein du Parlement afin de poursuivre cette affaire. “Le service du renseignement a été remis en question [dans cette affaire]. Voilà pourquoi nous demandons au ministère de répondre”, a déclaré, le 14 juille, M. Tavakoli.
Ces accusations à l’adresse du ministère du renseignement sont d’autant plus pressantes que Mahmoud Ahmadinejad quittera ses fonctions le 3 août, le jour où Hassan Rohani prêtera serment en tant que nouveau président de la République islamique d’Iran.