« Je chantais dans un groupe aux Philippines. Un jour, dans un bar, un client sud-coréen m’a demandé : tu veux chanter dans mon pays ? », témoigne une victime hébergée par My sister’s home. « J’avais besoin d’argent pour mon fils. J’ai signé un contrat, et j’ai reçu mon visa de travail coréen. Mais quand je suis arrivée ici, je me suis retrouvée dans un club où j’étais obligée de tenir compagnie aux soldats américains. J’ai été forcée de coucher avec eux ».
Il est difficile à ces femmes d’échapper à leurs proxénètes. La plupart se font confisquer leur passeport. Très surveillées, elles dorment dans leur club. Une rupture de contrat est assortie de pénalités exorbitantes et leurs proches sont connus des agents recruteurs aux Philippines : « si elles s’enfuient, cela peut mettre en danger leur famille », souligne Park Su-mi.
Le gouvernement sud-coréen délivre pourtant à ces femmes des visas de travail, baptisés « E6 », et réservés aux migrants qui exercent des activités artistiques.
En juillet 2011, un rapport de la Convention de l’ONU pour l’élimination de toute forme de discrimination contre les femmes s’inquiète de l’utilisation de ce programme E6 à des fins d’exploitation sexuelle. L’organisation enjoint le gouvernement coréen de prendre les mesures nécessaires empêcher ces abus.
Sans succès. « Nous constatons un manque absolu de volonté politique », accuse Norma Kang Muico. « Les employeurs coréens continuent donc d’exploiter ces femmes sans craindre d’être inquiétés par les autorités ».
La Corée du Sud n’est pourtant pas insensible au problème de l’esclavage sexuel militaire : pendant la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers de Coréennes, baptisées « femmes de réconfort », ont été enrôlées de force dans les maisons closes de l’armée impériale japonaise. Séoul continue de faire pression sur le Japon pour que ce dernier reconnaisse ses responsabilités historiques.