Mahmoud vs Hamid, Dallas à Kandahar ?

Dans la famille Karzaï, Mahmoud est le brasseur d’affaires. Et il est fâché avec son frère de président, Hamid, qui, de son palais de Kaboul, incarne l’Afghanistan en crise, pauvre pays saigné par ses guerres de trente ans. L’entrepreneur Mahmoud, lui, vit à Kandahar, la “capitale” du Sud pachtoun et fief tribal des Karzaï. Il reçoit, non dans un palais, mais dans une enclave de riches villas, havre baroque dont il est le promoteur, oasis upper class cerné d’une lande jaunie par un soleil de désert. . Devant les portes de garage rutilent des 4 × 4 à la carrosserie blindée. Utile précaution en cette cité aux mille tourments, berceau spirituel du mouvement taliban, ligne de front de farouches batailles entre Marines et insurgés recevant des soutiens venus du Pakistan tout proche.

 

Donc, Mahmoud peste contre Hamid.“Ce gouvernement est complètement incompétent, fulmine-t-il. Nous sommes dans un système totalement médiéval !” La “corruption” du pouvoir, là est la source de sa fureur. Lui, l’homme d’affaires boulimique, jonglant avec cent projets industriels ou commerciaux, ne souffre plus le racket des bureaucrates prédateurs. “L’Afghanistan ne s’en sortira jamais avec une telle corruption, grince-t-il. Seule une infime minorité, à peine 1 %, s’enrichit. Voilà comment les talibans ont pu reconstituer leur influence.”

Et cela désole d’autant plus Mahmoud que son frère ferme les yeux, ou regarde ailleurs. “Sa philosophie est incorrecte, regrette-t-il. Il protège ses ministres et ses alliés. Il soutient des gens dont il sait pertinemment qu’ils sont corrompus. Il a d’autres priorités que d’assainir le pays et de régler ses problèmes au fond.” Bigre ! On croirait entendre un opposant déclaré. D’ailleurs, l’indigné de Kandahar avoue que l’idée l’a bien effleuré un jour de grimper sur une estrade et de prêcher la résistance contre le palais de Kaboul. “S’il n’était mon frère, j’aurais mobilisé le plus gros mouvement politique du pays.”

Les saillies de Mahmoud Karzaï font sourire bien des Afghans. Car voilà un frère bien ingrat. Homme d’affaires parmi les plus riches du pays, quel aurait été son destin sans le marchepied offert par l’accession de son frère Hamid au pouvoir en 2002 après la chute du régime taliban ? Avant de rentrer au pays, Mahmoud n’était qu’un restaurateur afghan émigré aux Etats-Unis. A Chicago, Boston, Cambridge, Baltimore ou en Californie, il avait acheté des restaurants servant de la cuisine afghane, française ou mexicaine. Les affaires tournaient rond, mais le retour dans un Afghanistan dirigé par son frère le gratifia d’une tout autre envergure.

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