“Nous confirmons qu’Abdallah al-Senoussi a été remis à la Libye. Il y a quelques minutes, il a été remis au bureau du procureur général. Il va subir des examens médicaux de routine et l’interrogatoire commencera tout de suite après. Nous déciderons ensuite de son sort”, a indiqué à l’AFP l’adjoint du procureur général libyen, Taha Baara.
Plus tard, le Premier ministre libyen Abdelrahim al-Kib, a assuré que l’ex-chef de renseignements “ainsi que les autres symboles de l’ancien régime (…) auront un procès équitable au cours duquel les normes internationales de la dignité humaine seront respectées, un droit auquel les Libyens étaient privés durant le règne du despote” Mouammar Kadhafi.
Au cours d’un point de presse, le porte-parole du gouvernement Nasser al-Manaa, a affirmé que Abdallah Senoussi avait été incarcéré dans un complexe pénitentiaire à Tripoli où d’autres hauts responsables de l’ancien régime, dont l’ex-Premier ministre Baghdadi Mahmoudi, sont détenus.
Ce complexe entouré de mesures de sécurité draconiennes, est situé dans le quartier populaire d’Al-Hadhba al-Khadhra pas loin du centre de la capitale et Il comprend une prison ainsi qu’un tribunal.
Senoussi a refusé qu’on lui passe les menottes
Sur une vidéo amateur publiée par les réseaux sociaux, on peut voir Abdallah Senoussi à sa descente d’un hélicoptère dans la cour de cette prison, en compagnie du chef d’état-major Youssef al-Mangouch, sur fonds de cris des membres de services de sécurité: “le sang des martyrs n’a pas été versé en vain”.
Souriant, longue barbe poivre et sel, M. Senoussi portait des habits traditionnels libyens et semblait en bonne santé.
Mercredi, des familles des victimes du massacre de la prison d’Abou Slim ont manifesté leur joie devant la prison, brandissant des photos de prisonniers tués, a constaté un photographe de l’AFP.
Outre la répression de la révolte déclenchée en février 2011, Tripoli accuse l’ex-chef de renseignements libyens d’avoir commandité le massacre de la prison d’Abou Salim en 1996 à Tripoli quand 1.200 prisonniers avaient été tués dans une fusillade.
Selon le ministre des Finances Hassan Zoghlam, qui faisait partie de la délégation libyenne ayant ramené M. Senoussi, ce dernier a refusé qu’on lui passe les menottes. “+Je suis Abdallah Senoussi, on ne me met pas des menottes à la main+”, a-t-il dit, selon M. Zoghlam.
Selon le ministre, M. Senoussi a résisté à cinq hommes qui ont réussi difficilement à lui passer les menottes, avant qu’il monte dans l’avion à Nouakchott.
Tripoli “dans l’obligation” de remettre Senoussi à la CPI
La CPI, a émis 27 juin 2011 un mandat d’arrêt à l’encontre de M. Senoussi, l’accuse d’avoir commis “des meurtres et des persécutions de civils constitutifs de crimes contre l’humanité” dès le début, mi-février 2011, de la révolte contre le régime du colonel Kadhafi.
La France avait elle délivré à son encontre un mandat d’arrêt international à la suite de sa condamnation par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité dans l’affaire de l’attentat du 19 septembre 1989 contre le vol UTA 772 qui avait coûté la vie à 170 personnes, dont 54 Français.
Dans une déclaration à l’AFP, la CPI a indiqué mercredi ne pas avoir reçu d’information officielle au sujet de l’extradition de M. Senoussi.
La Cour a ajouté que les autorités libyennes étaient “dans l’obligation de livrer” M. al-Senoussi à la Cour sur la base du mandat d’arrêt.
“Le mandat d’arrêt de la CPI pour al-Senoussi est toujours en vigueur et la Libye a l’obligation de le remettre sans délai à La Haye”, a estimé de son côté Amnesty International, qui met en garde contre un “procès inéquitable en Libye”.
Tripoli avait déjà refusé de remettre Seif al-Islam, fils de Mouammar Kadhafi, qui faisait aussi l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes contre l’humanité.
Beau-frère de Kadhafi, M. Senoussi, âgé de 62 ans, faisait partie du premier cercle des fidèles entourant le colonel. Il a longtemps été chef des renseignements militaires, l'”un des organes de répression les plus puissants et efficaces du régime”, selon la CPI.
Entré en Mauritanie avec un passeport malien sous une fausse identité, il avait été arrêté à la mi-mars à l’aéroport de Nouakchott, alors qu’il arrivait du Maroc.