Le nouveau gouvernement tunisien est en proie à une contestation grandissante. Quelque mois seulement après l’arrivée du parti islamiste Ennahda au pouvoir, des milliers de Tunisiens ont manifesté lundi soir à Tunis pour le respect des droits de la femme. Il s’agit du plus grand rassemblement d’opposition depuis avril.
Deux manifestations ont eu lieu dans la capitale tunisienne, l’une autorisée, l’autre non. Les deux rassemblements ont demandé la même chose : le retrait d’un projet d’article de la Constitution soutenu par les islamistes évoquant la “complémentarité” et non l’égalité des sexes.
Des ministres appelés à démissionner
Un an après les célèbres “dégage” adressés à Ben Ali, les Tunisiens appellent cette fois à la démission de certains membres du gouvernement. “La Tunisienne est libre ! Le Premier ministre Hamadi Jebali, le chef d’Ennahda Rached, Ghannouchi dehors!”, ont scandé les manifestants, réunis face au Palais des congrès de Tunis.
“La Tunisienne est libre” La deuxième manifestation a réuni quelques centaines de personnes avenue Habib Bourguiba, axe principal du centre-ville où le défilé n’était pas autorisé. Malgré quelques échauffourées avec la police, le rassemblement s’est achevé dans le calme. Les manifestants ont scandé des slogans comme “l’égalité dans la Constitution” et “Les membres d’Ennahda sont arriérés et des vendus”. D’autres manifestations se sont tenues dans tous le pays. A Sfax, à 260 km au sud de Tunis, un millier de personnes ont défilé sous le même mot d’ordre.
Le principe de “complémentarité” fâche
La date choisie pour cette mobilisation n’est pas anodine. Elle marque l’anniversaire de la promulgation du Code de statut personnel le 13 août 1956. Un ensemble de lois toujours sans équivalent dans le monde arabe instaurant l’égalité des sexes dans plusieurs domaines. Les protestataires, réunis à l’appel d’organisations féministes, de défense des droits de l’homme et de l’opposition, ont donc profité de cette date anniversaire pour s’opposer à l’article 28 de la future constitution.
Ce texte polémique, actuellement en cours de rédaction par les élus de l’assemblée constituante, n’évoque pas précisent l’égalité des sexes. “L’Etat assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l’homme au sein de la famille et en tant qu’associée de l’homme dans le développement de la patrie”, y est-il indiqué.
“En définissant la femme par rapport à l’homme et au sein d’une famille, cet article ouvre la voie à plusieurs interprétations, qui laissent craindre des dérives sur les textes de lois qui peuvent en découler, notamment la non garantie par l’Etat des droits de la femme en dehors d’une structure familiale”, résume une bloggeuse tunisienne. L’opposition et la société civile craignent en effet une dérive autoritaire, et une tentative d’organiser une islamisation rampante de la société.
D’autres mobilisations prévues
De son côté, le parti islamiste dément vouloir s’en prendre aux droits de la femme et souligne que l’égalité des sexes sera mentionnée dans le préambule de la future loi fondamentale. Dans un communiqué diffusé lundi, il a estimé que les reproches lui étant adressés sont le résultat “de confusion, voire même de provocation et d’exagération”.
En réaction, les syndicats ont appelé de leur côté à une grève générale mardi dans la région de Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011. Ils réclament notamment la libération de manifestants arrêtés la semaine dernière. La misère était au cœur des causes de la révolte qui arenversé le régime du président Ben Ali. Nombreux sont ceux à accuser le gouvernement d’avoir trahi les revendications de la rue.