Ce déplacement intervient dans un contexte de menaces multiformes pour la sécurité des Etats-Unis, de l’extrémisme islamiste au trafic de drogue.
La tournée de la secrétaire d’Etat américaine, qui pourrait être sa dernière en tant que responsable du département d’Etat, commence mardi au Sénégal et se poursuit à Juba où elle sera le responsable politique de plus haut rang à se rendre dans la capitale du nouvel Etat devenu indépendant, dans la douleur, en juillet 2011.
Elle doit également se rendre en Ouganda, au Kenya, au Malawi et en Afrique du Sud.
Hillary Clinton devrait faire le point sur les programmes américains sur le développement, l’éducation et le sida, colonne vertébrale de l’engagement des Américains en Afrique, ainsi que sur l’intérêt économique des Etats-Unis pour un continent aux immenses ressources et dont certains pays affichent un taux de croissance économique enviable.
La chef de la diplomatie américaine mettra aussi l’accent sur les projets concernant les femmes et les filles, un thème qu’elle affectionne particulièrement.
La politique des Etats-Unis en Afrique a été présentée par Barack Obama dans un discours au Ghana en juillet 2009. Les Etats-Unis, a dit le président américain, sont prêts à aider les pays africains qui travaillent pour améliorer leur gouvernance, luttent contre la corruption et cherchent à résoudre les conflits régionaux.
Malgré les racines africaines du président -son père est né au Kenya- qui avaient suscité de grands espoirs, le gouvernement américain n’a pas lancé de nouveaux projets d’envergure à la différence de Bill Clinton (exemption fiscales) et de son successeur George W. Bush, qui avait investi des milliards de dollars dans la lutte contre le sida en Afrique.
La Maison blanche a publié le mois dernier un point sur l’Afrique, réaffirmant sa promesse d’aider au développement de la démocratie et de l’économie, mais sans aucun projet original.
“MILITARISATION PAR DÉFAUT”
A la place, l’accent a été mis sur l’Africom, le commandement unifié USA-Afrique créé par le Pentagone en 2007. Il joue un rôle de plus en plus important notamment pour l’entraînement des armées africaines.
Washington s’inquiète de plus en plus de l’activité de groupes islamistes extrémistes en Afrique tels que les “Chabaab” en Somalie, Boko Haram au Nigeria et Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Certains analystes américains craignent même que le Nord du Mali ne se tranforme en nouvel “Afghanistan africain”.
J. Peter Pham, directeur du programme Afrique à l’Atlantic Council, estime que l’accent dans les relations entre l’Afrique et les Etats-Unis est désormais mis sur sa dimension militaire.
“C’est la militarisation par défaut”, estime-t-il. “En partie parce que les Etats-Unis ont intérêt à combattre Al Qaïda, mais aussi en raison de la faiblesse de nos partenaires africains, incapables de contenir ces menaces par eux-mêmes.”
Un exemple typique de cette situation est l’Ouganda du président Yoweri Museveni dont les militaires constituent l’ossature de la force de l’Union africaine qui essaie de stabiliser la Somalie (Amisom).
L’armée ougandaise travaille aussi avec une centaine de conseillers militaires américains pour la capture du chef de guerre Joseph Kony, le gourou de la redoutable secte politico-religieuse de l’Armée de résistance du Seigneur (NRA), peut-être l’homme le plus recherché d’Afrique.
Mais Yoweri Museveni est parallèlement critiqué par ses opposants pour sa dérive autocratique dans sa façon de gouverner. Les Etats-Unis ont ainsi exprimé avec d’autres pays donateurs leurs préoccupations croissantes au sujet des nouvelles lois sur l’homosexualité.
Jennifer Cooke, responsable de l’Afrique au Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington, souligne que les Etats-Unis continueront sans doute à s’accommoder de ce partenariat.
“Pendant la guerre froide, la menace très importante pour la sécurité l’a emporté sur le soutien des Etats-Unis à la démocratie”, commente-t-elle. “Nous n’avons pas beaucoup de prise sur l’Ouganda. Ils savent que nous avons besoin d’eux et que notre lecture de la bonne gouvernance n’a pas eu d’effet particulier.”
(Danielle Rouquié pour le service français, édité par Jean-Loup Fiévet)